Souvent, mes notes au voyageur se rapportent à des expériences que j’ai eu en sortant des sentiers battus, en allant au-delà de la visite touristique pour tenter de vivre dans un pays comme je vis au quotidien. En Anglais, l’expression like a local, qu’on pourrait traduire par « comme un autochtone », désigne cette manière de voyager. Prêts pour une tranche de vie ?
Quand j’étais petit et qu’il s’agissait de me faire couper les cheveux, ma mère me déposait chez un coiffeur-barbier, dont la clientèle était donc majoritairement voire uniquement masculine. Petit à petit, on n’a plus eu des coiffeurs pour homme d’un côté et des coiffeurs pour femmes de l’autre. Il n’y a plus eu que des salons de coiffure. Il a fallu que je quitte l’Europe et que j’aille vivre au Canada pour redécouvrir cette absence de mixité capillaire.
Rassurez-vous mesdames, si vous aimez les salons de coiffure français, on trouve très facilement leurs équivalents au Canada, notamment au Québec. J’avais aussi entendu dire que certains expatriés désargentés recommandaient les écoles de coiffure, pleines de surprises (bonnes et… moins bonnes). Pour ma part, je cherchais un endroit simple, sans trop de fioritures. Faisons une généralité et disons que les hommes n’aiment pas couper les cheveux en quatre (désolé, j’étais obligé de la placer celle-là…).
C’est donc avec un peu d’appréhension (et avec des cheveux bien trop longs) que je me suis mis à la recherche des mains aux ciseaux d’or dans les rues de Montréal. Quelle surprise de tomber sur de petits salons pour hommes, qui ressemblent davantage aux barbiers qu’on voit dans les vieux films qu’au dernier chic parisien : le tube bleu, rouge et blanc à l’extérieur (parfois allumé pour dire qu’il est ouvert), un seul coiffeur à l’intérieur, une lame de rasoir bien affutée.
Pousser la porte d’une de ces échoppes, c’est pénétrer dans un autre univers, une autre époque. Lors de ma première fois, la pièce dans laquelle je suis entré contenait déjà plusieurs personnes d’âges variés. Je m’attendais à devoir prendre mon mal en patience, voire à lire un journal en attendant mon tour… pourtant, j’ai pu m’asseoir dans le fauteuil au centre de la pièce plus vite que ce à quoi je m’étais préparé. Pourquoi ? Il s’est avéré que les hommes arrivés avant moi n’étaient pas tous des clients. Comme à un bar, ce coiffeur possédait ses habitués, présents non pas pour une coupe mais pour discuter hockey (vous avez vu la dernière game des Canadiens, hier ?) ou se réchauffer avec un café (surtout en hiver).
Coiffeurs et coiffeuses ont bien souvent une réputation de commère et c’est valable aussi outre-atlantique. Lorsque j’ai pris place sur une banquette de cuir rouge en observant le décor avec des yeux ronds, ça a été l’occasion pour moi d’en apprendre plus sur les habitants du quartier que durant les quatre mois où j’y avais déjà habité. L’espace d’un instant, j’ai quitté Montréal, la ville, pour le village d’Hochelaga, où tout le monde se connaît. Déroutant.
Mais au delà des photos qui habillent les murs, des fauteuils vintage et du grand miroir, il y a ceux qui insufflent une âme au lieu. A quoi ressemblent ces coiffeurs, vaillants conquérants du cuir chevelu ? Je base ce texte sur ma visite régulière de deux de ces coiffeurs de Hochelaga-Maisonneuve, l’un qui se trouvait rue Ontario, l’autre dans une rue perpendiculaire à la rue Joliette. Outre leur bonhommie, le principal point commun que je leur ai trouvé était leur âge, assez avancé. En soi, c’est un peu inquiétant.
Vont-ils disparaître, fermer leurs échoppes pour qu’on ne retrouve seulement là-bas que des salons de coiffures modernes et, oserais-je le dire, impersonnels ? Ce que j’ai pu observer ne me rassure guère à ce propos. Yvon, par exemple, avait depuis longtemps dépasser l’âge de la retraite mais continuait par passion pour son métier. Je pense aussi qu’il avait besoin de ce contact régulier avec ses clients. Néanmoins, comme tout bon retraité québécois, il fermait son salon entre janvier et mars pour s’éloigner de l’hiver et prendre du bon temps en Floride.
Du point de vue pratique, ces barbershops sont simples au possible et ne nécessitent pas de réservation. En ce qui concerne les prix, si c’est toujours exorbitant lorsqu’on est une femme (comptez facilement entre 50 et 100 dollars pour une formule complète), pour les hommes, ces petits salons sont bien plus abordables. On s’en tire facilement pour moins de 15 dollars, mais n’oubliez surtout pas le pourboire (et oui, on est en Amérique du Nord…), même si le coiffeur fait mine d’être surpris.
Alors ça peut sembler bizarre comme conseil à donner à un touriste, mais si vous avez déjà fait tous les musées de la ville et que vous avez besoin d’être rafraîchi derrière les oreilles, pourquoi ne pas tenter une visite chez un de ces coiffeurs ? Le résultat sera peut-être l’un des souvenirs les plus original que vous ramènerez de Montréal…
J’ai vraiment beaucoup aimé ton article, j’espere en lire de nouveaux prochainement
très bon article!! Les salons pour homme sont maintenant inexistant à cause de la modernisation. Mais le travail effectué reste quand même plus affûté de nos jours.