Je me souviens de mon arrivée à Nara. J’arrivais de Tokyo, ville tentaculaire dont on sait où elle commence mais pas vraiment où elle s’arrête, et je m’attendais à débarquer dans un petit village loin de tout. Limite, je me voyais descendre d’un train à vapeur pour découvrir des charrettes tirées par des chevaux sur des chemins de terre. Imaginez ma déception lorsque je me suis retrouvé face à une petite ville tout ce qu’il y a d’ordinaire, avec son lot d’immeubles, de routes et de voitures. J’étais loin de la frénésie du centre de Tokyo, mais beaucoup moins isolé que dans un film de Kurosawa.
Nara est donc loin d’être une « petite » étape dans un voyage au Japon. Au contraire, la ville est connue pour son immense parc, qui accueille de nombreux temples et sanctuaires classés à l’UNESCO, mais aussi et surtout pour ses cerfs sacrés qui s’y promènent en liberté. Nombreux sont les voyageurs à venir à Nara le temps d’une journée, facilement accessible en train depuis Kyoto ou Osaka. Pour ma part, arrivant de Tokyo, j’ai choisi d’y passer la nuit, une solution idéale pour profiter des lieux lorsque le soir tombe et que la plupart des visiteurs sont déjà repartis.
Apprivoiser Nara
La première chose qui m’a frappé à Nara, ce sont bien sûr les cerfs. N’allez pas imaginer de grands cerfs européens se promenant dans les rues, il s’agit ici de modèles réduits, et heureusement ! Ils se promènent souvent en petite troupe et, dès qu’on se trouve près du parc, à proximité des temples, il n’est pas rare de se retrouver encerclé par ces animaux. Pourquoi ? Parce qu’il est possible de les nourrir, et ils ont bien sûr pris l’habitude d’attendre que les touristes leur fasse une petite offrande… jusqu’à les suivre avec insistance ou à fouiller dans leur sac !
On trouve des vendeurs de friandises à différents endroits du parc. Ils sont faciles à repérer, il y a souvent un attroupement de cerfs autour… Bien sûr, une fois que vous aurez commencé la distribution, ils risquent de ne plus vous lâcher. De manière générale, je vous recommande de faire attention aux cerfs sacrés, qui restent des animaux sauvages. S’ils sont généralement inoffensifs, ils peuvent parfois se montrer agressifs.
Si vous vous trouvez près de cerfs, mon conseil est donc de rester calme, d’éviter les gestes brusques, de ne pas crier… Du bon sens, a priori, mais j’ai vu des touristes qui faisaient exactement l’inverse. N’hésitez pas non plus à lever les mains et à montrer vos paumes, pour bien faire comprendre que vous n’avez rien à manger. De mon expérience, les cerfs comprennent très bien le geste et vous laissent alors tranquille. Dans le même genre, si on s’incline face à eux pour les saluer (à la japonaise), ils ont tendance, par mimétisme, à reproduire le mouvement et à saluer en retour.
Enfin, sachez qu’on ne trouve pas des cerfs sacrés qu’à Nara, il y en a par exemple aussi sur l’île de Miyajima.
Après avoir assisté à un embouteillage causé par un cerf qui bloquait une route, ne sachant pas de quel côté il voulait traverser (et aucun Japonais ne klaxonnait, évidemment), j’ai poursuivi mon chemin jusqu’au sanctuaire Kasuga-taisha.
Le sanctuaire du Kasuga-taisha
Le sanctuaire Kasugai-taisha est niché au milieu des bois et il faut remonter un large sentier pour y parvenir, un chemin bordé de grandes lanternes de pierre couvertes de mousse, ce qui explique qu’on l’appelle aussi « le sanctuaire aux milles lanternes ».
Quand je commence ma promenade sur le sentier, le soleil se couche déjà. La lumière se fait plus rare, les ombres s’allongent et j’aperçois parfois entre deux arbres un cerf assoupi. Pas question de compter sur les lanternes pour éclairer mon chemin : elles ne sont allumées que deux fois par an, à l’occasion d’un festival notamment. L’endroit est quasiment désert, l’ambiance quasi mystique et je me surprends à sursauter quand un cerf marche sur une brindille, quelque part dans l’obscurité.
Bien sûr, à cette heure tardive, pas question de trouver le sanctuaire ouvert. Tous les bâtiments sont déserts et je ne peux les observer que de l’extérieur. Mais la balade valait tout de même le déplacement.
Je reviens le lendemain pour découvrir les lieux sous une toute autre lumière. Forcément, de jour, il y a beaucoup plus de gens sur le sentier. Les cerfs sont toujours là, impossible de faire un pas sans en avoir un dans son champ de vision. Le sanctuaire est cette fois-ci accessible, mais la partie payante est malheureusement fermée. De grands préparatifs sont en cours, comme en témoigne un autre bâtiment, plus loin dans la forêt, où des cœurs en papier sont préparés et suspendus un peu partout. Nous sommes la veille du White Day, la seconde Saint Valentin des Japonais.
Je ne verrais cependant pas à quoi ressemblent ces festivités. Je continue ma promenade dans la forêt, parfaitement calme, et dans laquelle je rencontre de moins en moins de gens à mesure que j’avance, le silence seulement interrompu par les gongs des Japonais venus prier.
Le Todai-ji
Une fois sorti des bois, je prends la direction du Todai-ji, un des temples principaux de Nara. On y pénètre par une immense porte de bois. Il est possible d’acheter un ticket combiné pour visiter également le musée du temple, mais personnellement, j’ai préféré me concentrer sur le Todai-ji lui-même.
L’intérêt principal de la visite est le Daibutsu-den, littéralement le « hall du grand Bouddha ». À l’intérieur trône une imposante statue de Bouddha, imposante car il s’agirait de la plus grande sculpture en bronze du monde (16 mètres de haut). Elle date du 8e siècle. On peut en faire le tour pour l’observer sous toutes les coutures et en apprendre plus, par la même occasion, sur l’histoire du temple. Malheureusement, comme bien souvent au Japon, tout n’est pas traduit en anglais.
Une curiosité attire mon regard : un des énormes pilonne qui soutient le temple est troué à sa base et le jeu semble être de s’y faufiler. Passer à travers apporterait une promesse d’éveil dans une prochaine vie. Le trou étant assez réduit, les adultes doivent se tordre dans tous les sens pour passer à travers, mais les enfants y parviennent sans trop de mal. Il faut faire une petite file pour tenter sa chance, mais le tout se fait dans une ambiance bon enfant.
Ce n’est pas la seule particularité du bâtiment, qui n’est rien d’autre que le plus grand bâtiment en bois du monde. La manière dont ce temple a été construit m’a vraiment laissé bouché bé, surtout qu’ils semblerait que beaucoup des morceaux de bois ne seraient qu’emboîtés les uns dans les autres. Je ressors du temple en observant une dernière fois sa démesure, qui vaut bien celle d’une cathédrale.
Visiter des Machiyas
J’en ensuite quitté les abords du parc pour retourner dans le vieux Nara, à la recherche d’une machiya. Une machiya, c’est une réplique d’un ancien habitat traditionnel japonais, où les murs sont fait de papier de riz et où tous les sols sont recouverts de tatami. J’en ai trouvé deux à Nara, visitables gratuitement.
La visite permet de découvrir les différentes pièces et leurs fonctions, mais aussi comment les habitations étaient constituées. J’ai été vraiment étonné de voir comment elles étaient agencées, un ensemble de pièces imbriquées les unes dans les autres, avec parfois un jardin entre deux.
Le tout respire l’ingéniosité, comme ces escaliers qui dissimulent de multiples rangements, où l’ouverture des volets couvrant les portes et les fenêtres, à base de cordes, de poulies et de panneaux en bois qui s’emboîtent. La démonstration m’a été faite en japonais et je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais ça n’en était pas moins impressionnant. Dans l’une des machiyas, je me suis même vu offrir un origami.
Était-ce la période ? Dans les deux machiyas que j’ai visité, il n’y avait pas foule. Peut-être que la plupart des voyageurs qui viennent à Nara leurs préfèrent les cerfs et les temples, mais c’est à mon avis passer à côté d’un pan important de la culture japonaise.
Dormir à Nara
Comme je l’ai aussi fait pour mieux profiter de l’île de Miyajima, j’ai préféré passer la nuit à Nara. C’était l’occasion d’en profiter en soirée et tôt le matin, quand le gros des touristes est soit déjà parti, soit pas encore arrivé. Et je ne l’ai pas regretté ! Sans ça, je n’aurais pas pu profiter du sanctuaire de Kasuga-taisha au crépuscule, une expérience qui m’a particulièrement marqué.
Mais ce n’était pas le seul endroit à se voir sublimé par le soleil couchant et j’ai adoré déambuler un peu partout à Nara au moment où les lumières s’allumaient.
J’aurais aimé pouvoir vous conseiller le fabuleux ryokan où j’ai séjourné (le ryokan Seikanso), mais il semble malheureusement avoir fermé ses portes, victime du COVID. C’est particulièrement triste quand on sait que ce ryokan existait depuis 1916… Si vous connaissez d’autres bonnes adresses à Nara, n’hésitez pas à les partager en commentaire.
Aller à Nara
Depuis Tokyo, il faut prendre le train à grande vitesse japonais, le Shikanzen. Je ne vous refais pas une leçon sur le train japonais (je vous renvoie à mon article sur les aspects pratiques), mais pour ma part, j’avais un JR Pass valable pour le trajet. Il faut compter environ 2h45 de trajet jusqu’à Kyoto. De là, il faut changer de train pour y emprunter l’équivalent d’un TER, Nara n’étant pas desservie par le Shikanzen.
Que ce soit depuis Kyoto ou Osaka, le trajet avec un train local prend une heure environ, et il n’y a pas besoin de réserver à l’avance.
Tout m’a plu à Nara. La rencontre avec les cerfs qui se promenaient un peu partout, découvrir la statue du Grand Bouddha dans le temple Todai-ji, me promener dans les bois à la tombée du jour pour aller jusqu’au sanctuaire Kasuga-taisha… Je pense que le fait qu’il s’agisse d’une des premières étapes de mon voyage a beaucoup joué dans mon ressenti. Malgré mes deux jours sur place, je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de visiter le Kofukuji, un autre temple majeur de la ville. J’ai quand même pu admirer de l’extérieur sa pagode à 5 étages (la seconde plus grande du japon, 50 mètres) et me promener autour des autres bâtiments. Attention donc à bien vous renseigner sur les horaires du temple si vous voulez le visiter (il ferme tôt !).
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Pour aller plus loin, je vous invite à (ré)écouter l’épisode de Partir à Jour, podcast voyage que je réalise en compagnie d’Aurélie, du blog Sauts de Puce, consacré à Nara et Osaka. Deux villes qui ne ressemblent en rien mais qui se révèlent tout à fait complémentaires.