Connue pour être un incontournable du Japon au même titre que Tokyo, Kyoto a la particularité de compter environ 2000 temples. Je ne les ai certainement pas tous visités durant les cinq jours que j’ai passé sur place, mais j’en ai vu une petite sélection qui m’a fortement marqué. Chacun d’entre eux avaient ses particularités et réussissait à proposer une vision unique de la religion au Japon, de quoi ne jamais me lasser, même en en enchaînant trois au cours d’une même journée.
Du Kinkaku-ji et son Pavillon d’Or au Fushimi-Inari et ses 1000 toris en passant par le Kiyomizu-Dera et son bâtiment principal bâti sur pilotis, difficile d’avoir un temple préféré à Kyoto et j’ai plutôt tendance à les identifier par la manière dont je les ai découvert. Le temple Kodai-ji, puisque c’est celui dont j’ai choisi de vous parler, n’était par exemple pas du tout sur mon programme. Je déambulais dans les rues de Kyoto sans but particulier alors que l’après-midi touchait à sa fin et je suis tombé face à l’entrée de ce temple zen exceptionnel un peu par hasard.
Était-ce parce que le soleil s’apprêtait à se coucher ? Il n’y avait pratiquement personne à l’extérieur du temple. Alors que les foules envahissent les autres sites, plus célèbres, de Kyoto, j’étais là quasiment seul à admirer le jardin traditionnel, à me promener dans la bambouseraie ou à observer les différents pavillons.
Un peu d’histoire
Anciennement connu sous le nom de Kodaiji-jushozenji, le temple Kodai-ji appartient à la secte Rinzai du bouddhisme Zen. Il a été fondé en 1606 en l’honneur de Toyotomi Hideyoshi, mélange de seigneur féodal et d’homme politique, connu pour avoir contribué à l’unification politique du Japon, mettant ainsi fin à la tumultueuse période Sengoku.
L’idée de commémorer Hideyoshi par le biais d’un temple est celle de sa veuve, Kita-no-Mandokoro, également connue sous le nom de Nene. La construction du Kodai-ji fut financée par le successeur de Hideyoshi, Tokugawa Ieyasu, fondateur et premier shōgun du shogunat Tokugawa.
Une fois achevé, le temple de Kodai-ji a été reconnu pour ses intérieurs richement décorés et ses magnifiques jardins. Plusieurs de ses bâtiments ont été classés comme biens culturels importants du Japon. Parmi ceux-ci, l’entrée principale et la salle de l’Esprit, connue pour son « Kodai-ji Maki-e », une technique de laque japonaise où la laque humide est saupoudrée de poudre d’or et/ou d’argent.
Une visite variée
En entrant dans le temple Kodai-ji, on passe d’abord par un long chemin menant à l’arrière du temple. C’est particulièrement étonnant lorsqu’on est habitué aux entrées grandioses des autres temples. Ici, plutôt que de commencer par une porte imposante, les premiers pas sont plutôt simples, sobres, discrets. Plutôt que de démarrer en fanfare, cette entrée invite d’office au recueillement, d’autant que le sentier longe rapidement un petit cimetière.
C’est aussi à l’entrée de ce temple que j’ai vu mon premier avertissement contre des singes en liberté. La période n’était peut-être pas propice, puisque je n’en ai vu aucun. J’ai par contre était rapidement attiré par le Iho-an, un pavillon dédiée à la cérémonie du thé. Avec son toit de chaume et son étang entouré de rochers à proximité, c’était typiquement le type de vue carte postale que je m’attendais à voir dans un temple japonais.
Avant d’explorer plus avant les jardins, j’ai suivi le sentier qui m’a amené dans la salle principale de Kodai-ji, le Hojo. La structure actuelle a été construite en 1912, après qu’un incendie ait détruit l’original. Même si la reconstruction est plus modeste que l’original, qui était recouvert de laque et de décorations dorées, l’intérieur vaut toujours le détour.
Ce qui rend la salle principale vraiment spéciale est la vue qu’elle offre sur le jardin de cailloux du Kodai-ji. Depuis la terrasse, on peut ainsi admirer ce jardin impeccablement ratissé qui prend la forme d’un océan aux multiples vaguelettes de pierres. Il contient aussi un cerisier Sakura, magnifique a priori lors de la fleuraison… mais j’étais quelques jours trop tôt pour en profiter.
Après avoir quitté le hall principal, je suis revenu dans les jardins du temple. Conçu par le célèbre architecte paysagiste Kobori Enshu, ce jardin de style tsukiyama comprend des collines artificielles, des rochers décoratifs, des étangs, des îlots, des pins et des érables. Tout au long du jardin, plusieurs détails ajoutent un intérêt visuel à l’espace. Le groupe de pierres dans la partie sud du jardin représenterait une grue, tandis que l’îlot dans la partie nord de l’étang ressemble à une tortue.
Et puis, bien sûr, il y a le Kaisando (la salle du fondateur) et son allée couverte, qui s’intègrent parfaitement dans le paysage. La petite structure à quatre piliers avec son toit de style chinois est le Pavillon d’observation de la lune, construit au-dessus de l’étang pour que les gens puissent facilement voir le reflet de la lune dans l’eau.
Le Kaisando est dédié à la mémoire du prêtre fondateur du Kodai-ji, Sanko Joeki. Une statue de lui est conservée dans la partie la plus intérieure du bâtiment, ainsi que des statues du frère aîné de Nene et de sa femme. Une fois à l’intérieur, n’oubliez pas de lever les yeux au plafond : une partie de celui-ci provient du bateau privé de Hideyoshi, tandis qu’une autre partie a été fabriquée à partir du carrosse de Nene.
Depuis le Kaisando, l’allée couverte continue jusqu’à l’Otama-ya, le sanctuaire qui abrite Toyotomi Hideyoshi et Nene. Ce couloir extérieur est d’ailleurs connu sous le nom de Garyoro, le couloir du dragon couché, de par sa forme.
Je suis ensuite passé à côté d’autres maisons de thé, auprès desquelles je ne me suis pas attardé longtemps. J’avais hâte de me rendre l’endroit qui attirait mon regard depuis que j’errais dans les jardins du temple Kodai-ji, à savoir la bambouseraie.
C’était la première bambouseraie que je voyais, bien avant celle d’Arashiyama, et je pense qu’elle a un peu influencé mon impression négative de cette dernière. Ici, à l’ombre des bambous, j’étais tout seul, libre d’en profiter à mon gré de me laisser bercer par le son des bambous qui s’entrechoquent, secoués par le vent. J’ai été, l’espace d’un instant, comme extirpé hors du temps. Alors, d’accord, cette bambouseraie n’est ni aussi épaisse ni aussi grande que la forêt de bambous d’Arashiyama, mais je l’ai trouvé toute aussi belle. J’ai donc pris mon temps pour la traverser, avant de redescendre le sentier pour revenir à la zone principal du temple et à la sortie.
Mon seul regret, une fois à l’extérieur du temple, c’est de ne pas avoir pu admirer son cerisier en fleurs. Mais c’est peut-être ça aussi qui expliquait qu’il n’était pas bondé et que j’ai pu en profiter dans des conditions aussi exceptionnelles.
Un temple peut en cacher un autre
Étonnamment, mon billet d’accès au Kodai-ji me permettait aussi de visiter l’Entoku-in, un temple secondaire a priori réputé pour ses jardins. J’avais notamment lu qu’il était intéressant à visiter une fois la nuit tombée et j’ai donc attendu le lendemain pour m’y rendre.
Je ne sais pas s’il était beaucoup plus difficile à trouver que le Kodai-ji ou si je suis passé devant sans le voir, mais j’ai vraiment eu du mal à en dénicher l’entrée. J’ai tourné en rond dans le quartier plusieurs fois avant de me rendre compte qu’il fallait pénétrer dans une cour intérieure pour y accéder.
Quelque part, je m’attendais à une version miniature du Kodai-ji. L’Entoku-in n’a pourtant rien à voir avec son grand frère. Il s’agit ici de la résidence dans laquelle Nene a passé ses derniers jours et le temple ressemble davantage à une maison traditionnelle qu’aux temples auxquels on est habitué. La visite fait traverser un ensemble de pièces et de couloirs dans lesquels on pouvait admirer de nombreuses peintures traditionnelles, qui valaient vraiment le coup d’oeil. Je n’en ai par contre pris aucune photo, le tout étant relativement exigüe et plongé dans la pénombre.
C’est sans doute l’une des visites les plus intimistes que j’ai fait au Japon, puisqu’il faisait complètement noir à l’extérieur et que j’évoluais de pièces en pièces sans savoir ce qui m’attendait dans la suivante, en étant toujours relativement seul. Les jardins en eux-mêmes m’ont, à côté de ça, fait assez peu d’effet. Malgré l’éclairage nocturne, je trouvais qu’ils avaient du mal à rivaliser avec celui, coloré, du Kodai-ji.
Je retiens donc surtout la visite intérieure, qui changeait du tout au tout par rapport à celle du Kodai-ji et, quelque part, la complétait.
Conseils pour visiter le temple Kodai-ji à Kyoto
Localisation : Le temple Kodai-ji est situé dans le quartier de Higashiyama, entre le parc Maruyama et le temple Kiyomizu-dera. L’adresse est 526 Shimogawara-cho, Higashiyama-ku.
Heures d’ouverture : Le temple de Kodai-ji est ouvert tous les jours de 9h00 à 17h30 (dernière entrée à 17h00). Vous l’aurez compris, je vous conseille fortement d’y aller en fin de journée. Si vous y allez au printemps, vous aurez peut-être la chance de voir son cerisier en fleur. Sinon, l’automne est aussi une bonne saison puisque le temple compte de nombreux érables. Par contre, il est peut-être plus fréquenté à cette période.
Droits d’entrée : La visite du Kodai-ji coûte 600 yens. Cela comprend l’entrée au musée Kodai-ji Sho, à quelques pas du temple. Pour visiter en plus le temple Entoku-in, il faut prendre le billet combiné à 900 yens.
Illuminations du temple Kodai-ji : Si j’ai pu profiter des jardins de l’Entoku-in avec leur éclairage nocturne, j’ai complètement raté l’illumination des jardins du Kodai-ji. Ceux-ci sont exceptionnellement illuminés au printemps (de la mi-mars au début mai), en été (du 1er au 18 août) et en automne (de la fin octobre au début décembre). L’entrée aux illuminations se fait après le coucher du soleil, jusqu’à 21h30.