Il n’est pas nécessaire d’avoir à communiquer dans une autre langue pour faire face à un choc de culture. J’ai la chance d’avoir vécu suffisamment longtemps dans trois pays francophones pour me rendre compte que, non, il ne suffit pas de parler la même langue pour automatiquement se comprendre.
En tant que Français, j’ai longtemps pensé que les autres pays avec qui je partageais la même langue devait m’être accessible sans grand effort. Puis j’ai découvert pour de bon la Belgique et le Québec, j’ai fait connaissance avec leurs manières de manier le Français et j’ai compris que j’avais longtemps eu tort.
Un Québécois qui viendra en visite en Belgique ou un Français au Québec aura donc bien des surprises. Bien sûr, ils ne se trouveront pas face à un langage complètement opaque, comme ça a pu être le cas pour moi avec le danois, mais… oufti, ce n’est pas simple pantoute.
Note au voyageur : quand vous allez dans un pays, ne commencez pas à vous moquer, voire à vous plaindre, de la façon dont parlent ses habitants. Là bas, c’est vous qui avez un accent, c’est vous qui êtes « bizarre ».
La perception de soi
Demandez à un Québécois, à un Français ou à un Belge, il est probable qu’il vous dise ne pas avoir d’accent, ou juste un petit peu. C’est drôle la perception que l’on peut avoir de soi. Les parisiens sont sans doute ceux qui, à ce titre, se fourvoient le plus. L’accent parisien existe et contrairement à ce que certains pensent, il ne s’agit pas du français au sens strict. Il n’y a pas de français sans accent et c’est tant mieux. C’est ce qui fait en partie le charme du lieu où l’on se trouve.
Prenez Lille et Marseille. Deux villes dans un même pays, mais séparées par un millier de kilomètres. Deux accents très différents, avec leur patois propre, qui peuvent compliquer la tâche au touriste qui cherche à comprendre ce qu’on lui raconte. Cette variété, je ne pensais pas la retrouver en Belgique ou au Québec. Pourtant, elle existe.
Le Québec a beau être la seule province du Canada à s’exprimer en français, on le fait de différentes façons qu’on vienne de l’Outaouais, du Saguenay ou de la Mauricie. De manière identique, la Belgique n’est peut-être pas un grand pays, mais mettez côte à côte un Bruxellois, un Liégeois et un Arlonais et vous entendrez la différence. Ce n’est cependant pas la faute au français puisque la même chose s’entend dans la région flamande du pays.
Particularité intéressante, la plupart des Québécois ne savent pas distinguer un Belge d’un maudit Français. Nos accents ne sont-ils pas assez distincts ? Cela pourrait aussi s’expliquer par une simple méconnaissance de la Belgique…
Expressions et vocabulaires différents
Réfléchissez quelques minutes : pouvez-vous me citer une expression typique de chez vous et pas utilisée ailleurs ? C’est plus difficile qu’il n’y paraît. Même pour un Québécois ! Un échange avec un Montréalais m’aura permis de lui apprendre que « c’est poche » (c’est nul), « t’es fin » (t’es gentil, sympa) ou « s’enfarger » (se prendre les pieds dans quelque chose) ne s’utilisent pas ailleurs qu’au Québec.
Mais il y a pire, quand un même mot s’avère avoir plusieurs sens selon la ville où on se trouve. Par exemple, une chique est un chewing-gum à Charleroi, mais à Liège, une chique est un bonbon. Toujours à Liège, un bonbon désigne un biscuit. Comme un cookie au Québec. Vous avez suivi ?
Je ne vais pas rentrer dans le débat de la place de l’anglais de part et d’autre de l’Atlantique. Sachez seulement qu’il est présent autant en France qu’au Québec mais pas utilisé dans les mêmes cas de figure. Pour reprendre l’exemple du chewing-gum, on dira « gomme à mâcher » au Québec, même si pour y désigner un frein à main, on parlera de « brake à manche ». Ce qu’il faut par contre retenir, c’est que lorsque des Québécois utilisent des termes ou des noms anglais, ils le font avec l’accent (pas comme les Français).
Autre particularité du Québécois, le vocabulaire a subit l’influence de la religion catholique, longtemps très présente dans la vie quotidienne. On la retrouve dans les principaux gros mots au Québec (tabernacle, ostie, christ devenus tabernak, astie, criss), des blasphèmes qui finalement se sont transformés en jurons dans la société.
En Belgique comme en France, le patois relatif à chaque région a laissé des traces et se retrouve de-ci de-là dans le langage de tous les jours. Le wallon en Wallonie et le brusseleer à Bruxelles ne sont clairement plus aussi utilisés qu’auparavant mais quelques mots ou expressions permettent de faire le lien avec le Québec, parti aussi d’une base de vieux français.
Ces influences, ces dialectes, sont-ils en train de disparaître ? Les accents, québécois, français ou belges, sont-ils en train de s’uniformiser ? Nous n’en sommes certainement pas encore là, même s’il est vrai que la facilité de plus en plus grande à voyager a certainement apporté une nouvelle perception de soi.
En voyage
Quel impact ont toutes ces différences sur le voyageur francophone qui part à la rencontre de ses « cousins » ? A mon sens, il est assez faible, en tout cas en termes de désagrément. Car pour le voyageur curieux, faire l’apprentissage de nouvelles expressions est une richesse dont il ne faut pas avoir peur.
De toute façon, un Québécois en visite en France ou en Belgique est immédiatement identifié comme tel, avec un regard souvent bienveillant, tout comme un Français au Québec (avec un regard un poil moins bienveillant). Pour le Belge au Québec, comme je l’ai expliqué, c’est peut-être un peu plus compliqué mais cela peut se transformer en discussion improvisée sur votre véritable pays d’origine.
Au niveau des hôtels, des restaurants, des visites, le français du coin n’est donc pas une barrière. Quoique… Essayez un peu de commander au McDonald’s dans les différents pays. Un Best Of Big Mac en France devient un Menu Big Mac en Belgique et un Trio Big Mac au Québec. Et je ne vous parle même pas du « Joyeux Festin » (Happy Meal)…
Au final, sans vous en rendre compte, en parlant français, vous pouvez rapidement vous retrouver trilingue. Alors, c’est pas si pire ? Non, peut-être !